•     goramy logoesprit-copie-1N° 1215 - Le Loup

        Catégorie : Faune SauvageMicrophone


    Quand je tiens tes petits doigts serrés dans ma main, lorsque nous nous promenons dans les bois, les après-midi d’automne...


    Tu me demandes, du haut de ton un mètre dix, si le loup vit là, s’il va nous croquer, s’il me fait peur. Agenouillé à ta hauteur, je remonte ton écharpe pour te conforter dans ta chaleur. Je remets ta capuche pour te protéger des gouttes qui pleurent du haut des branches des arbres qui se dénudent par l’arrivée du froid. Dans le tapis rouge des feuilles amassées sur notre parcours, la tête levée par la beauté du spectacle qui nous entoure, nous écoutons ensemble, si au loin, nous pouvons entendre les cris de ce mauvais loup.

    «Entends-tu la bête effroyable ? Entends-tu le bruit de ses armes ? Entends-tu les bottes de ce monstre qui écrase les os des cadavres, des pauvres, des démunis, des moins que rien, des tout petits ? Crois-tu que le loup auquel tu crois est si méchant que ça ? Si bête ? Si redoutable ?» Effrayé, prêt à pleurer, le petit homme emmitouflé dans son parka me serra dans ses petits bras «Protège-moi, mon papa !»... «Je t’aime, n’aie pas peur de ton loup, celui qui vit dans la forêt, celui qui pleure les soirs de pleine lune, pour appeler, au désespoir, les siens, pour aller se coucher dans sa turne. Ne penses-tu pas qu’il est sûrement bien plus gentil que ce que tu crois ? Méfie-toi plutôt de l’autre mauvais singe, agressif, idiot, violeur et violant, haineux et intolérant. La bête incrédule, perfide et connasse agitant un drapeau bleu, blanc, rouge dégueulasse. Méfie-toi aussi de ses hôtes, bourrus, barbus, barbares et violents, prônant un dieu inexistant, prétexte de radicalisation et d’extermination radicale, sadiques et bien pire que des chacals. Tu vois, en comparaison, le loup de tes contes à quatre pattes n’est pas si méchant que ça.»

    À ces mots, un bulldozer vint massacrer mes paroles dans une course folle. Dans un bruit terrifiant, il écrasa devant lui la scène aux multitudes merveilles et tous les êtres de la forêt se craquèrent, craquèrent et craquèrent encore. Sa fumée épaisse, noire, obscurcit le ciel déjà triste dans un brouhaha de moteur extrémiste. Le tapis rouge des feuilles s’effaça dans des traces de ses roues gluantes et nous nous enfonçâmes dans la boue au passage de cette grosse machine métallique méchante, crachant, bruyante, grommelant, bouffeuse de nature à coups de mâchoires et de pelles mécaniques des plus sadiques. «Et eux, qui sont-ils ?» me demanda le petit homme au cœur fragile. «Des loups violents et destructeurs, irrespectueux, ignorants, imbéciles et aveugles qui ne savent pas que la nature est aussi belle qu’elle est fragile !» lui criai-je. «Ils pensent que ce sont les rois du pétrole, du ciel et du bois. Ils croient être les maîtres du monde au volant de leurs monstres immondes. Ils saignent la plus belle des reines pour s’octroyer un salaire et un bonus sur leur paye. Ils polluent, ils assassinent aussi. Ils ne valent pas mieux que leurs maîtres, leurs actionnaires, leurs donneurs d’ordres, leurs patrons : les rois seigneurs du carnage et de l’horrible. Ces hypocrites avides, aussi intelligents qu’idiots, voleurs de richesses d’une terre fertile jusqu’à ce qu’elle ne devienne plus qu’un reste d’un désert aride. Des malhonnêtes maffieux seuls vrais responsables de la misère et de la tristesse sur ce vaste monde qu’ils transforment en un univers immonde».

    Le Loup...Serrés l’un contre l’autre en attendant que l’orage passe, je ne pus m’empêcher de pleurer caché derrière son épaule. Après ces mots lâchés, je n’arrivais pas à rassurer le petit bonhomme recroquevillé contre moi. J’étais démuni à trouver des raisons à cette malédiction de cons. Je cherchais désespérément des mots sans maux dans un vocabulaire d’enfant gentil, sensible, ingénu et destructible. Une lumière descendit du ciel et un loup gris apparut, paisible. Il tourna autour de nous se rapprochant un peu, nous renifla, nous lécha et essuya les larmes du petit garçon qui s’accrochait à moi. Nous tombâmes au fond d’un trou et une deuxième lumière nous apparut... «Garde ton cœur pur comme la nature, respire l’air qu’il te reste et protège-moi»... Évanoui dans une lueur étrange, je vis alors mon petit enfant grandir, grandir et tout autour de lui, refleurir les arbres comme toutes les merveilles qui apparaissent au printemps. Je vis alors mon squelette dépérir et disparaître au creux de la terre, bouffé par les vers et les insectes. Dans un dernier souffle, sous une dernière nuit, dans l’obscurité la plus noire, j’entendis «Merci». Mon esprit s’échappa, gardant dans son souvenir ce petit garçon avec le sourire et tous les arbres qui se mettaient à chanter.

    S'b. (2015)



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        goramy logoesprit-copie-1N° 915 - Rentrez !

        Catégorie : ScolarisationMicrophone


     A mon âge, je ne pensais pas qu'ils pouvaient me renvoyer à l’école...

    Lundi 9 août : 13h26 - Tribunal d’instance  -

    Après avoir été empalée sur les passages cloutés, une pauvre vieille grand-mère donna son dernier salut sous la roue d’un semi-remorque qui passait malencontreusement par là. «Vous auriez dû l’aider à traverser la rue au lieu de la pousser» me réprima le juge. «Je vous condamne à la peine perpétuelle ou à intégrer les nouveaux programmes de l’école du savoir-vivre». J’avais déjà fait de la prison. D’abord chez ma mère, bâtiment H, quartier des Peupliers et chez mon beau-père, pas un tendre, dans le bâtiment, derrière, rue des Rosiers. Après, bien sûr Fleury, Fresnes, Arras... Sans parler des petites prisons de quartiers. Je n’en étais jamais bien sorti. J’ai braqué des banques, dealé du shit, fait le mac dans un réseau de prostitués, suivi quelques djihadistes qui allaient à La Mecque en métro. Bref, cette fois, je voulais réellement m’en sortir, et pour une fois, le juge des peines me faisait un cadeau.
     

    Les Göramy

    Mardi 7 Septembre : 8h58 - rue Jules Ferry -


    Dans mon uniforme de nouveau bagnard, je traversais les grilles de l’école du savoir-vivre. On m’accueillit d’abord avec le sourire et ils  m’obligèrent de l’avoir, partout et tout le temps, dés que je rencontrais des gens. Le salut était obligatoire, pas nazi, juste un petit geste de la main, un signe de la tête, une empoignade, une accolade, un check ou une, deux ou trois bises. Le «s’il te plait» était de rigueur lorsqu’on demandait des choses et le «merci» en échange était la formule de politesse qui faisait la règle. Des règles pas franchement compliquées en soi, mais dures à suivre au début quand on a été baigné Rentrezdans un jus de délinquant comme moi. Juste un «bonjour» avec le sourire, vous ne pouvez pas imaginer ce que ça m’a pris comme temps ! Au fur et à mesure j’ai réussi à progresser et d’années en années j’excellai dans les matières polytechniques de la politesse, de la galanterie (légitime ou soutenue), du respect des aînés, du serviable sans être soumis. J’ai appris ce qu’étaient l’humilité et la dignité. J’ai compris que le miroir qu’on renvoie n’est pas toujours celui qu’on croit et d’autres dictées de morales qu’on répétait à haute voix. Ces drôles d’études, longues, très longues, m’ont permis aussi de découvrir et de m’ouvrir aux autres. Saviez-vous qu’on dit «merci», «s’il vous plaît», «bonjour» et «au revoir» dans toutes les langues ? De manières différentes issues de traditions étonnantes, parfois rigolotes ou bizarres - A l’époque, j’étais bluffé. Le temps passa, la solidarité et le partage furent les deux dernières matières que j’eus du mal à acquérir, mais après des années et des années passées, un vendredi 3 juillet j’obtins enfin mon diplôme et à 18h22 les grilles de l’école se refermaient derrière moi.

    Les Göramy

     

    Samedi 4 juillet : 15h37 - Boulevard de la Liberté-

    La gueule écrasée sur le passage clouté, je repense à cette pauvre grand-mère et à ce gros con, derrière moi, qui vient de me pousser là. Un camion passe, une personne me relève. Perturbé, je me retourne et dis essoufflé à mon sauveur «Merci». «De rien» me répondit une grande, belle et vieille dame vêtue et gantée de noir. Elle enchaîna : «Voulez-vous que je vous aide à buter ce connard qui vous a poussé là sans égard... Ce petit trou du cul ?»


    S'b. (2015)

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    Blanche - Pirates ! - Amour - Déjeuner - Vagabond - Résistance.

    Le bon sens nous dit que les choses de la terre n'existent que bien peu.... Après avoir retrouvé la carte qui s’était glissée derrière mon lit, nous pûmes reprendre la route... Nous étions bien installés dans notre nouveau canapé acheté chez Ikéa, 459 euros TTC, en train de discuter avec ma chérie... Je sortais de la salle de bains des années trente après m'être soigneusement lavée et habillée... 

     

    Rendez-vous en septembre...

     

     

     

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        Catégorie : RadiophonieMicrophone


    Résistance

      

    Baissez donc les paupières, il a pleuré de joie...

    Écoute mon cœur qui pleure, Fréderick était roi de Prusse ; nous disons quatre fois. Gabriel vous envoie ses amitiés, il est sévère mais juste. Il fait chaud à Suez et je n'aime pas la blanquette de veau. Jean a une moustache très longue, l'angora a les poils longs. La mort de Turenne est irréparable, la vertu réduit dans tous les yeux et Yvette aime les grosses carottes. L'heure des combats viendra, le chat a neuf vies, ma femme à l'oeil vif, Saint Liguori fonda Naples. Yvette aime les grosses carottes, le grand blond s’appelle Bill, l'heure des combats viendra… Les sanglots longs des violons de l'automne blessent mon cœur d'une langueur monotone...

     

    BBC 1940-1944

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        Catégorie : VoyagesMicrophone


     

     

     

       

    Oui, j’ai quitté ce port tranquille...

    Ce port si longtemps appelé,
    Où loin des ennuis de la ville,
    Dans un loisir doux et facile,
    Sans bruit mes jours auraient coulé.
    J’ai quitté l’obscure vallée,
    Le toit champêtre d’un ami ;
    Loin des bocages de Bissy,
    Ma muse, à regret exilée,
    S’éloigne triste et désolée
    Du séjour qu’elle avait choisi.

    Nous n’irons plus dans les prairies,
    Au premier rayon du matin,
    Egarer, d’un pas incertain,

    Nos poétiques rêveries.
    Nous ne verrons plus le soleil,
    Du haut des cimes d’Italie
    Précipitant son char vermeil,
    Semblable au père de la vie,
    Rendre à la nature assoupie
    Le premier éclat du réveil.
    Nous ne goûterons plus votre ombre,
    Vieux pins, l’honneur de ces forêts,
    Vous n’entendrez plus nos secrets ;
    Sous cette grotte humide et sombre
    Nous ne chercherons plus le frais,
    Et le soir, au temple rustique,
    Quand la cloche mélancolique
    Appellera tout le hameau,
    Nous n’irons plus, à la prière,
    Nous courber sur la simple pierre
    Qui couvre un rustique tombeau.
    Adieu, vallons; adieu, bocages ;
    Lac azuré, rochers sauvages,
    Bois touffus, tranquille séjour,
    Séjour des heureux et des sages,
    Je vous ai quittés sans retour.

    Déjà ma barque fugitive
    Au souffle des zéphyrs trompeurs,
    S’éloigne à regret de la rive
    Que n’offraient des dieux protecteurs.
    J’affronte de nouveaux orages ;
    Sans doute à de nouveaux naufrages
    Mon frêle esquif est dévoué ,
    Et pourtant à la fleur de l’âge,
    Sur quels écueils, sur quels rivages
    N’ai-je déjà pas échoué ?
    Mais d’une plainte téméraire
    Pourquoi fatiguer le destin ?
    A peine au milieu du chemin,
    Faut-il regarder en arrière ?
    Mes lèvres à peine ont. goûté
    Le calice amer de la vie,
    Loin de moi je l’ai rejeté ;
    Mais l’arrêt cruel est porté,
    Il faut boire jusqu’à la lie !
    Lorsque mes pas auront franchi
    Les deux tiers de notre carrière,
    Sous le poids d’une vie entière
    Quand mes cheveux auront blanchi,
    Je reviendrai du vieux Bissy
    Visiter le toit solitaire
    Où le ciel me garde un ami.
    Dans quelque retraite profonde,
    Sous les arbres par lui plantés,
    Nous verrons couler comme l’onde
    La fin de nos jours agités.
    Là, sans crainte et sans espérance,
    Sur notre orageuse existence,
    Ramenés par le souvenir,
    Jetant nos regards en arrière,
    Nous mesurerons la carrière,
    Qu’il aura fallu parcourir.

    Tel un pilote octogénaire,
    Du haut d’un rocher solitaire,
    Le soir, tranquillement assis,
    Laisse au loin égarer sa vue
    Et contemple encor l’étendue
    Des mers qu’il sillonna jadis.


    Alphonse de Lamartine - Adieu -
    Méditations poétiques - 1820