• Pirates !

        goramy logoesprit-copie-1N° 215 - Pirates !

        Catégorie : BateauxMicrophone


    Après avoir retrouvé la carte qui s’était glissée derrière mon lit, nous pûmes reprendre la route...

    Le Capitaine Crochet m’attendait sur le pont du navire à côté de son second, son fidèle acolyte et compagnon : Jambe-de-Bois. De sa vigie, Noiro me vit arriver et nous pûmes enfin lever l’ancre, larguer les amarres et hisser les voiles. Queue-de-Cheval donna les directives à l’équipage et le bateau quitta le port du sous-sol pour prendre la grande mer de l’allée du garage. J’étais fier de pouvoir enfin repartir à bord du navire de mon frère. C’était un redoutable bateau qu'il avait fabriqué à partir d’un couvercle d’une boîte en bois posée à l'envers, avec des escaliers et un gouvernail taillés dans des bouchons. Il avait monté une cabine et une cale avec des petites planches pour regrouper tous les butins : Des coffres remplis de pièces d’or, de la vaisselle en argent, des boulettes en papier d'or d’aluminium faisant office de pépites. À l’avant, il avait sculpté une proue qui devait être une sirène mais qui ressemblait plus à un dragon. Il n’avait pas de nom ce navire, mais maintenant, quand j’y repense on aurait pu l’appeler le Dragon-Sirène. Alors, c’est à bord du Dragon-Sirène que nous nous dirigeâmes vers l’île secrète au trésor, l’île indiquée sur la carte qui nous montrait le chemin à suivre pour trouver ce fabuleux magot. Il fallait d’abord prendre la mer de l’allée du garage et sortir par le détroit des allées du jardin. En ayant parcouru quelques milles nous devrions voir les côtes de cette île mystérieuse et secrète. Le Capitaine Crochet était un fin navigateur et un très bon capitaine. Honnête, bon, courageux, il ne ressemblait en aucun cas aux dires que nous pouvions entendre dans les tavernes au sujet des pirates. Il avait dû perdre sa main droite en faisant la guerre avec l’armée française avant qu’il devienne pirate. C’est Jambe-de-Bois qui l’avait recueilli à l’époque et depuis, ils étaient devenus  inséparables. Avec Noiro et Queue-de-Cheval ils ont monté un équipage, coulé quelques bateaux, découverts quelques trésors, vider beaucoup de tavernes, traversé toutes les mers qui entourent la maison. De son histoire, je ne connaissais que celle-là. Celle qu’avaient bien voulu me raconter ses compagnons et notamment Jambe-de-Bois quand il était ivre après avoir bu quelques bonnes bouteilles de vieux rhum sur le pont. Si les pirates sont rustres, sales et ivrognes, Jambe-de-Bois était un parfait pirate. Il fallait le connaître pour ne pas en avoir peur. Sa jambe l’avait quitté comme qui dirait arrachée par un boulet de passage. Nom de Dieu ! Cela ne l’empêchait pas d’être habile au mousquet. Mais sûre, il ne me rattrapait jamais pour me botter le train les soirs quand il avait trop bu. Je me plaisais à passer du temps avec les autres. Notamment avec le canonnier, Queue-de-Cheval. Un peu à part, c’était un bel homme à qui on avait tranché la langue. Un commandeur anglais, je crois,  n’avait pas apprécié comment il avait donné du plaisir à sa dame. Son surnom n’était pas lié à son attribut quoi qu’on en pense, même si, parfois, Jambe-de-Bois s’amusait à raconter des blagues douteuses et graveleuses à ce sujet. Queue-de-Cheval avait des origines arabes et son sobriquet lui venait de la coiffe qu’il portait. Un drôle de chapeau rouge fabulé d’une grande crinière de cheval. Il avait parfois du mal à se faire comprendre et était bien plus malin qu’il pouvait paraître. Il nous sauva de bien de périlleuses situations avec son canon. On disait qu’à une certaine distance il pouvait couper la pipe de la bouche d’un marin. Le commandeur n’avait pas eu cette chance et depuis Queue-de-Cheval était recherché par toute l’armée britannique pour être pendu... Comme nous tous d’ailleurs. Quand le temps le permettait,  j’aimais monter tout en haut de la vigie avec Noiro, un ancien esclave. C’est le capitaine qui l’avait recueilli après avoir coulé un négrier. Là-haut nous avions une vue imprenable sur l’océan et sur le pont. Je m’amusais à regarder en bas s’agiter les petites fourmis qui s’affairaient à toutes les corvées et je prenais du plaisir à cracher sur le chapeau de Jambe-de-Bois qui engueulait les mouettes croyant qu’elles lui pissaient dessus. Après quelques jours de navigation nous nous approchâmes de l’île mystérieuse. Après avoir jeté l’ancre, nous fîmes descendre la chaloupe pour faire partir la première expédition en reconnaissance. Nous prîmes les armes nécessaires, sabres, couteaux et mousquets pour mettre pied à terre. Nous savions par les indications que l’île n’était pas déserte et qu’il faudrait sûrement combattre les autochtones qui y habitaient. Des tribus tribales aussi effrayantes que celles qu’on voit dans les vieux films en noir et blanc de Tarzan ou de King-Kong. Arrivés sur la plage nous entendions déjà le son des tambours qui nous angoissait encore plus, mais nous savions aussi que lorsque nous serions enfoncés dans la jungle, le silence serait plus effroyable. Queue-de-Cheval ouvrit la marche suivi de Noiro. Jambe-de- Bois grommelait derrière en silence et le capitaine, près de moi, fier de son mousse, me souriait en me regardant avec des yeux pétillants comme pour me remercier de cette nouvelle aventure...

    S'b. (2015)

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