Campagne

    N° 712 - Campagne

    Catégorie : Carnet

Compagne, campagne...

Les mouches viennent sur la peau faire des guili-guili. Elles chatouillent, elles ronronnent, parfois même, elles font chier, mais qu'importe. Au loin, le bruit des chutes d’eau résonne, chantant une berceuse de pêcheur. Allongé, là, au milieu du pré, j’oublie mon bouchon qui flotte, les vaches qui me regardent, les paysans aussi. Les vieux, les vieilles, les beaufs, les Jacky, les ploucs, les bouseux et tout ce petit monde qui vit au bout de ce monde. Là où ne va jamais personne, où personne ne va et où il n’y a, de toutes façons,  jamais personne. Naufragé solitaire au beau milieu de ce désert de dunes aux longues herbes vertes parsemées de pâquerettes, de boutons d’or, de pissenlits et autres petites touches de couleurs pointillistes, j' 'écoute la musique des oiseaux qui fredonnent, qui s’engueulent, qui bavardent, qui piplettent. Je laisse passer les nuages sur l'horizon du ciel bleu J'observe les insectes qui sautent, qui volent, qui s’agrippent sur les couleurs chatoyantes des fleurs, des feuilles, des brindilles et du tout microcosme de l' univers de Maya.

Perdu sans l’être au milieu de nul part. Perdu parti sans être la moitié d’un nul, je respire le bon air qui insupporte les allergiques, je caresse les sens de quelques courants d’air, je goûte les fruits chauds défendus des arbres et je me laisse absorber dans la plus profonde des campagnes. Là où les petites routes sinueuses font place à de rudimentaires carrioles à défaut des 4X4 ou autres automobiles ronflantes. Ce trou du cul du bout du monde où même internet ne fait pas foi. Pas de lumière, pas d’électricité, pas de nucléaire ni de télé. Là où seuls les cons tendent le bras pour 2 barres de téléphone ou pour défiler devant des monuments morts. Là où les blés chantent, prêts à se faire zigouiller par la première moissonneuse qui passe. Là où le soleil enlève les petites tenues des paysannes transparentes de sueur qui dégouline, laissant apparaître la rondeur de leur corps. La campagne sexy que jalouserait un député, un président ou un ministre. Là où, retiré, un totem de Tatin ouvre les grilles d' un étonnant voyage sur l'allée de mon enfance. Là où les cloches moyenâgeuses des bourgs rythment les journées des vieux où les heures se sont arrêtées. Là où coule à flot l’eau dans les ruisseaux où l'on se baigne pour se rafraîchir de l’été. Là où barques et péniches emmènent pêcher avec elles les déjeuners sur l’herbe d' un tas d' impressionnistes. Au bout de ce monde d’un progrès en retard, Là, Là,Là, il me plait, là, là, là, d' être allongé là, là, là, à poil, au beau milieu de mes vacances.

S'b. (2012)