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        goramy logoesprit-copie-1N° 221 - Machine

        Catégorie : TravailMicrophone


    goramysu-1013-profil02Bonjour papa, bonjour maman, je suis devenu... Une machine

    Je déboulonne ma vie à lame d'acier, les roulis claquent, les engrenages s'entrechoquent, dépourvu de mon âme sans plus réfléchir, je m'exécute, je travaille, je tourne et je tourne dans les rouages du système qui me dicte ses règles mercantiles de continuer d'offrir la richesse du butin de la demande jusqu'à la ruine... Je suis, devenu, une machine.

    Sans interruption, sans arrêt, sans cesse, sans rupture, sans coupure, Je reçois les données, je les transforme, je les refonds, je les accumule, je les ingurgite, je les emmagasine, j'empile,  j'entasse et j'amasse jusqu'à déborder, je les gerbe... Je suis, devenu, une machine.

    Accusé de réception sur le banc d'un tapis qui défile devant moi sans que rien ne s'arrête jamais, j'exécute les tâches, je les accomplis, vaille que vaille, coûte que coûte, les unes après les autres, parfois même en même temps, tant qu'on peut, comme on peut, automatiquement, mécaniquement, comme un parfait automate... Je suis, devenu, une machine.

    Avancer, avancer sur des rythmes cadencés, pression absolue, vitesse absolue, plus vite, encore plus vite, encore et encore, accélération optimale, mal à en souffrir jusqu'à saigner, mais il faut encore, sous peine de résister à la pression la plus forte, sortir vainqueur de la manœuvre sur la zone de trafic... Je suis, devenu, une machine. 

    Sursoufflage, sous pression, compresseur d'air dans un caisson trempé d'acier sans orifice d'échappement, travailler tous les jours, toutes les nuits, toutes les semaines, même les dimanche... Je suis, devenu, une machine. 

    Sans que pour cela soit du grand calcul savant rempli d'ingéniosité, tout est bien réglé pour que je ne puisse plus réfléchir, intelligence artificielle, je me robotise jusqu'à ce que je ne puisse plus tomber en panne sous peine de finir à la casse, aux déchets, aux ordures, dans la rue, rejeté, marginalisé, expulsé, sans valeur ajoutée, mauvais additif, obnubilé par le boulon qui sert et sert la pense de la ceinture qui me donne à bouffer... Je suis, devenu, une machine. 

    Matérialisé, instrumentalisé, industrialisé, mécanisé, las de toutes ces bêtises, incontrôlé, incontrôlable, au risque de paraître un con, j' explose, je dérape, je n'en peux plus, comme Charlie, je pète un câble, je fuis, je quitte cette usine... Je stoppe, stop, la machine.

    Au risque de vous décevoir, au revoir papa, au revoir maman, vous qui êtes si fière de moi comme un enfant capital, investissement rentable, je préfère arrêter là et rester en panne sur le bas côté... Je ne suis pas né, pour devenir, une machine.

    Je veux respirer et souffler enfin sur mes racines, profiter de la vie qu'il me reste en pleine nature avec mon amour orpheline et vagabonde sans admirer les fumées des usines qui vous paraissent dessiner le brillant avenir... Je ne suis plus une machine.

    Nu de votre admiration à qui vous avez laissé une planète industrielle polluée par un triste avenir comprenez que je veuille aimer mes gosses et pas... Des machines.

    S'b.(2013) 

     

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